La mort de l’indigent
Triste histoire que celle que je vais vous conter.
J’étais ce jour-là l’adjoint d’astreinte du week-end. Il faut savoir qu’on téléphone à l’adjoint de garde pour toutes sortes de problèmes dont deux sont redoutables : les décès et les internements d’office.
C’est ici d’un décès dont il sera question.
Le service des pompes funèbres m’informe donc qu’il y a eu un décès à la Maison St Joseph qui héberge des personnes en difficulté momentanée, mais pas du type SDF, des familles dans le besoin, des femmes avec enfants dont le papa est incarcéré, des paumés de passage qu’il faut aider provisoirement dans leur réinsertion.
Le défunt est âge de 45 ans, il était cardiaque et son décès a été brutal. Médecin et pompiers n’ont rien pu faire.
Comme d’habitude, la Maison en question fait appel aux services spécialisés qui résident à Port-Vendres pour se débarrasser du corps encombrant. L’employé des pompes funèbres me contacte plus tard par téléphone et nous nous rencontrons. Il me donne le certificat de décès signé du médecin, et un imprimé qu’il a rempli lui-même.
Il y est écrit que le défunt est indigent, qu’il a été transporté à la chambre mortuaire, et que suite aux recherches, il n’a pas de famille. Par conséquent, les pompes funèbres décident de leur propre initiative que c’est à la mairie de prendre en charge les obsèques et d’inhumer ce monsieur dans une fosse du cimetière. Ce sera fait dans deux jours. La date est même fixée.
Jusque là, ça pourrait aller. Sauf que dans l’après midi un autre adjoint qui est passé à la maison St Joseph car il s’en occupe, André Centène pour ne pas le nommer, me signale par téléphone que le défunt a reçu des lettres d’un enfant, avec des desseins accompagnés d’un émouvant « bisous papa »
Nous en déduisons qu’il a une famille, et nous devons alors la retrouver.
Dans un premier temps nous téléphonons aux Pompes funèbres !
Comment ont-ils décidé que ce monsieur n’avait pas de famille ?
Ils sont confus, et ils prétendent qu’ils n’ont pas trouvé les papiers d’identité. Ils vont alors à la chambre funéraire, fouillent les poches du pantalon du mort et découvrent une adresse, un N° de téléphone.
Les personnes que nous avons au bout du fil, à l’autre bout de la France, nous confirment que le défunt a trois enfants dont deux partis avec leur maman, que le troisième est bien là, que nous avons en ligne le frère et la belle sœur du soi-disant indigent, que ce sont des gens respectables et ayant des responsabilités importantes. Le défunt avait tout quitté mais était resté en contact téléphonique avec eux.
Rendez-vous compte ! Nous avons failli ensevelir un pseudo-indigent avec ses papiers d’identité dans sa poche, sans informer sa famille !
Le fait d’être logé dans une maison d’accueil vous classe dans les misérables sans famille, à caser dans un coin du cimetière aux frais de la mairie. Lamentable histoire, mais histoire vraie.
Hélas !
Un bon conseil, ne gardez pas votre carte d’identité dans la poche du pantalon. Tenez-là entre vos dents chaque fois que vous allez au lit. Ce sera plus prudent !